vendredi 10 juillet 2015

Le Jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson

Suite à ma lecture de l'excellent Voyage de Simon Morley de Jack Finney, Gilles Dumay m'a conseillé de lire Le Jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, qui lui fait écho. J'avais déjà essayé de le lire avec Le Cercle d'Atuan, sans succès. Cependant, un an plus tard, j'ai beaucoup plus accroché, le moment pour le lire était arrivé.

À trente-six ans, Richard Collier se sait condamné à brève échéance. Pour tromper son désespoir, il voyage, au hasard, jusqu'à échouer dans un vieil hôtel aux bords du Pacifique.
Envoûté par cette demeure surannée, il tombe bientôt sous le charme d'un portrait ornant les murs de l'hôtel : celui d'Elise McKenna, une célèbre actrice ayant vécu à la fin du XIXe siècle.
La bibliothèque, les archives de l'hôtel lui livrent des bribes de son histoire, et peu à peu la curiosité cède le pas à l'admiration, puis à l'amour. Un amour au-delà de toute logique, si puissant qu'il lui fera traverser le temps pour rejoindre sa bien-aimée.
Mais si l'on peut tromper le temps, peut-on tromper la mort ?

Le Jeune homme, la mort et le temps est un classique. Écrit par Matheson en 1975, il fait effectivement écho au Voyage de Simon Morley de Jack Finney (1970) de par la technique employée pour voyager dans le temps : le cerveau et ses perceptions. Richard Collier, scénariste californien atteint d'une tumeur au cerveau, va décider de finir ses jours dans un vieil hôtel. Il va y découvrir la photo d'une comédienne de théâtre, Elise McKenna, qui a joué une pièce dans la salle de bal, 75 ans plus tôt. Et il va tomber amoureux de cette femme. Puis décider de se pencher sur les théories autour du temps, et d'essayer de réaliser une idée folle : la rejoindre par la seule force de sa volonté ! Il va à la fois se documenter sur le temps à travers des ouvrages scientifiques, et s'imprégner de l'ambiance de l'hôtel à l'époque en épluchant les archives, bercé par la nostalgie des lieux.

Certains indices dans la biographie d'Elise ou dans les archives de l'hôtel laissent à penser à Collier (et au lecteur) que celui-ci a déjà voyagé dans le temps pour rejoindre sa belle, mais Matheson entretient de façon intelligente le mystère : c'est en effet le frère de Richard qui publie ce "roman" posthume de son frère, en disant qu'il n'y croit pas mais que son frère y a cru, et qu'il aimerait que le lecteur y croit. Car il avait bel et bien une tumeur au cerveau, et beaucoup d'imagination en tant que scénariste.

Le voyage dans le temps de Matheson m'a fait penser à une naissance. Collier va se trouver très affaibli, dans une "poche de temps", va devoir réapprendre à se mouvoir, regagner des forces. Le voyage est une souffrance, et ceci participe à semer le doute une fois de plus : Collier a-t-il voyagé dans le temps, ou a-t-il simplement vécu un délire de douleur dû à son cancer ? Car c'est le tour de force du roman : le doute dans chaque détail. Finalement je pense que chacun croira ce que lui dit son cœur.

Je parle de cœur car l'autre facette de ce roman est cette grande histoire d'amour impossible, entre un homme des années 1970 et une femme des années 1890. Alors attention, parfois, ça dégouline. C'est guimauve et ça prend son temps. Mais malgré cela, le texte est beau, et les émotions sont vraiment là. Le personnage d'Elise, d'abord assez taciturne, se révèle intéressant. Pour son époque, c'est une femme forte, et une féministe, avec un sacré caractère.

Une seule chose m'a dérangée : Richard, dans le passé, oublie un peu vite sa tumeur. Le lecteur évidemment ne l'oublie pas. Cependant j'ai trouvé que le fait que Collier mette de côté si rapidement son état n'était pas "psychologiquement réaliste". Et en l'écrivant je me dis que c'est voulu par Matheson, qui essaie de faire douter le lecteur, encore une fois.

Matheson fait quelques références à la SF, et cite notamment la nouvelle de Ray Bradbury, Un coup de tonnerre, sur l'effet papillon, au moment assez drôle où Richard a peur d'avoir changé l'avenir en tuant un moustique.

Pour résumer, Le Jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson est un classique du voyage dans le temps, avec pour mécanisme de transport le cerveau et la volonté seule du voyageur, comme dans Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney. L'auteur entretient savamment le doute : son personnage, atteint d'un cancer, a-t-il réellement changé d'époque et rencontré sa belle comédienne, ou a-t-il simplement vécu une hallucination ? Voici une histoire intelligente, parfois un peu trop fleur bleue mais emplie de nostalgie et dans laquelle l'émotion est présente jusqu'à la fin. Un ouvrage qui a reçu le World Fantasy Award en 1976. A lire.

Les avis de Jae-Lou, Vert, Euphemia, Philémont, Gromovar

Lecture n°3 dans le cadre du
challenge Summer Short Stories of SFFF
Le Jeune homme, la mort et le temps
de Richard Matheson
Folio SF - 2000
336 pages
Traduit de l'américain par Ronald Blunden
Adapté au cinéma sous le titre Quelque part dans le temps par Jeannot Szwarc (1980)
Papier : 7€ / Numérique : 6,49€
Titre original : Bid Time Return - 1975

9 commentaires:

  1. Faut être dans le bon état d'esprit pour plonger dans ce roman.

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  2. J'ai lu ce livre lorsque j'étais ado et j'avais beaucoup aimé !
    Merci pour la chronique.

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  3. En tout cas ce bouquin était très sympathique, cool que tu aies aimé au final ! Je n'avais pas fait attention qu'il avait été adapté en film, je me demande bien ce que ça donne !

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  4. Très fleur bleue mais j'ai marché à fond pour ma part ^^

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  5. On parle souvent de ce bouquin sur la toile, encore un livre important à lire ! :)

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  6. Ado, j'avais lu tout ce que j'avais pu trouver de Matheson à la bibliothèque. Ce roman est le dernier texte de lui que j'ai lu, arrivée à saturation. Je me rappelle avoir été envoutée par certaines pages, tout en tournant les autres avec un sentiment d'ennui inattendu.
    Mais ta chronique me donne envie de le relire, alors merci ! :)

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  7. Je suis envie face à ta chronique. Pour le Matheson, mais aussi pour le Finney (ça je crois que je te l'avais déjà dit au moment de ta chronique).

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  8. Le film est interprété par Jane Seymour et Christopher"Superman"Reeves.Très beau,et comme dans le roman on ne sait pas si le héros a halluciné ou réellement voyagé dans le temps.Vu en VOST en 86 dans un cinéma Utopia de Toulon.

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