mardi 7 février 2017

Maison hantée de Shirley Jackson

Suite à la lecture de la flippante nouvelle Morts sur le Nil de Connie Willis, et à la postface instructive de l'auteure dans son recueil Les Veilleurs, j'ai acquis d'occasion Hantise, ou plutôt Maison hantée  de Shirley Jackson dans l'édition Pocket Terreur de 1993.

D'ailleurs le titre, écrit en 1959, était indisponible depuis des années et a été réédité, comme par hasard (!!!), en novembre 2016 en poche chez Rivages, sous le titre La Maison hantée. Évidemment il a fallu que je l'achète juste avant haha, dommage car c'est une traduction révisée. Mais bon j'aime assez la collection Terreur de Pocket, ça me rappelle mon adolescence :p (C'était la collection qui publiait King, Straub, Koontz, Barker, Masterton, Rice, J. Herbert, etc.)

Le roman a été adapté par deux fois à l'écran, d'abord en 1963 sous le titre La Maison du diable par Robert Wise, puis en 1999 sous le titre Hantise par Jan de Bont (une purge apparemment).

Hill House est une immense et lugubre résidence, construite au XIXe siècle par le richissime industriel Hugh Crain. C'est une monstruosité architecturale, labyrinthique, ténébreuse, lourde de terribles secrets. Un chercheur, fasciné par les phénomènes paranormaux, réunit dans la vieille demeure trois sujets, dont la personnalité lui paraît propre à susciter des manifestations surnaturelles.

La maison hantée, c'est Hill House. Paumée dans la campagne d'un village paumé aussi, elle est inhospitalière au possible, et pour cause : cette bâtisse victorienne a été construite pour être un labyrinthe architectural. Angles légèrement faussés, planchers qui penchent, multiples portes menant vers de multiples pièces, il est facile de s'y perdre. On raconte aussi qu'elle est hantée. Et bien sûr personne n'ose y vivre. C'est pourquoi le docteur Montague y a réuni Luke, le neveu de la propriétaire, ainsi qu'Eleonore et Theodora, deux femmes qui ont assisté dans leur vie à des événements qu'il considère comme paranormaux. Il veut voir s'ils arriveront à passer l'été à Hill House et à observer des phénomènes étranges.

Eleonore se laisse hypnotiser par l'architecture de la maison
en tentant d'observer la tour, et est rattrapée par Montague
dans l'adaptation de 1963.
Bien, le décor est planté et le décor constitue le roman. Arrivée à la moitié du récit, je dois dire que j'étais dans l'ambiance un peu angoissante due à la maison et ses bizarreries. Cependant pour un livre de 250 pages, je trouve qu'il ne se passe pas grand chose dans toute la première moitié de l'histoire. Finalement ça se corse, quand les personnages commencent à constater des événements bizarres qui ne sont pas uniquement dus à l'architecture particulière de Hill House.

Maison hantée est un roman de 1959, alors  il est légèrement daté, comme Eleonore qui se demande si elle aura l'audace de porter les deux pantalons qu'elle vient de s'acheter, c'est trop mignon. Et du coup on finit par avoir moyennement peur, quand bien même on a certains moments de pur frisson, vers la moitié du livre. Il aurait probablement fallu le lire dans les années 60-70 pour vraiment n'avoir aucun sentiment de déjà-lu. Quoiqu'il en soit, on a quelques moments de grâce horrifique, il faut bien l'avouer !!

Cependant, des indices nous mènent à penser que Theodora, qui vit avec une femme, et aime beaucoup Eleonore, serait sinon homosexuelle, probablement bisexuelle. Ainsi sa relation avec la jeune femme est assez ambiguë, et pour l'époque, c'est peu banal ! (Merci à Gilles Dumay qui m'a rappelé cet aspect du roman dont j'avais oublié de vous parler)

L'aspect psychologique est central, notamment par la culpabilité sans fin d'Eleonore sur la mort de sa mère ou la tentative de prendre son indépendance. Les dialogues, souvent surréalistes, participent aussi à l'ambiance étrange dans la maison. On passe brusquement d'un ton badin ou joyeux à des reproches ou un événement effrayant, ce qui donne un bon rythme à la seconde partie du récit.

Pour résumer, Maison hantée de Shirley Jackson est un classique des romans d'horreur des années 50, qualifié de meilleur roman fantastique des cent dernières années par Stephen King. Un peu daté, il offre tout de même quelques moments de grâce horrifique au lecteur. A découvrir de nuit sous la couette, de préférence dans l'édition Rivages/Noir avec sa traduction révisée !

A NOTER : regardez l'excelllllllente série (sauf la fin on peut pas tout avoir) The Haunting of Hill House sur Netflix !
La Maison hantée
de Shirley Jackson
Rivages - 2016
269 pages
Traduit de l'américain par Dominique Mols 
Révisé par Fabienne Duvigneau
Papier : 8,20€ / Pas de version numérique
Titre original : The Haunting of Hill House - 1959

15 commentaires:

  1. Je me souviens du film de 1999 avec Owen Wilson, ça m'avait bien fait peur mais j'étais super impressionnable. J'ai toujours voulu le revoir depuis. Et j'aimerais bien le lire aussi. Patrick Marcel en parle dans Atlas des brumes et des ombres si je ne me trompe pas.

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    1. C'est un classique (le roman) pour le film je m'étonne de ne pas l'avoir vu à l'époque mais j'y jetterai peut-être un œil !

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  2. La traduction chez Rivages est quand même meilleure. Ça se ressent surtout dans les descriptions. Pour 1959, le roman était assez "révolutionnaire", placé sous le signe de l’ambiguïté permanente. Comme Le tour d'écrou d'Henry James, c'est un tour de force littéraire. S'il paraît daté, il était pourtant à l'époque de sa sortie très audacieux : sexualité, homosexualité féminine. Shirley Jackson explore très habilement les affres sentimentaux et les pulsions de Eleanor.
    Le film de Robert Wise (qui s'éloigne pas mal du roman sans jamais le trahir, IMHO) est un pur chef d'oeuvre.

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    1. Oui j'ai complètement zappé de parler de cet aspect je te remercie ! Je pense que ce roman mérite une seconde lecture, pour aller un peu plus loin car il y a certainement beaucoup à en retirer.

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  3. Oups...
    Il sera beaucoup question de La Maison hantée dans le prochain Bifrost, spécial Richard Matheson, où je fais une lecture comparée de La Maison hantée et de La Maison des damnés.

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    1. Et j'ai prévu d'acheter ce numéro de Bifrost car j'aime beaucoup Matheson (j'avais lu Le Jeune homme, la mort et le temps grâce à toi d'ailleurs, merci !)

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  4. J'ai Les veilleurs en attente, j'aime bien de temps en temps me replonger dans une ambiance légèrement désuète, et ici livre + films.
    Et en plus le prochain Bifrost avec la lecture comparée.
    Banco

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    1. T'as bien fait de venir !
      Favorise la trad' révisée de Rivages si tu le peux, à mon avis ça vaut le coup

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  5. Je ne l'ai ni vu ni lu, et en commençant à lire ta chronique, j'avoue que j'étais moyennement tentée rapport au fait que je suis une grosse trouillarde.
    Mais j'ai survécu à Locke & Key, et si l'écriture est un peu datée, ça devrait me convenir. En tout cas, je suis super curieuse de le découvrir !

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    1. Il y a quelques moments flippants mais c'est surtout une ambiance. Je pense que tu peux y aller !

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  6. Ah ben pour le coup je suis hésitante, ça a l'air fun, mais je suis incapable de me souvenir si j'ai lu un autre de ses romans, "Nous avons toujours vécu au château".... Ca mérite investigation dans ma biblio !

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  7. Ils en parlent dans "dans les poches" dans le dernier Bifrost, en disant du bien du film de 1963 au passage, c'est tentant.

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  8. Le bifrost Matheson a paru.
    Il fait visiblement son petite effet : L'yggdralivre, Les lectures de Xapur, Le chien critique...

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  9. Oui merci, je l'ai commandé évidemment :p

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