vendredi 15 janvier 2016

↓ Les Veilleurs de Connie Willis

Les Veilleurs est un best of des nouvelles primées de Connie Willis, publié chez Nouveaux Millénaires, avec le manque de communication qui caractérise l'éditeur. Mais je l'ai repéré ! A moi le plaisir de lecture procuré par la conteuse Willis... Ou pas !

Propulsé en 1940 à Londres par le professeur Dunworthy sans la moindre préparation, John Bartholomew intègre la brigade des veilleurs du feu, ces héros qui ont sauvé la cathédrale Saint-Paul des bombes allemandes… À cette époque, de nombreux Londoniens se réfugiaient dans le métro, dont plusieurs stations portent aujourd’hui encore de bien curieux stigmates… Et tandis que d’autres vont chercher la mort beaucoup plus loin, sur les rives antiques du Nil, certains accueillent en eux la présence des dieux à têtes d’animaux pour en faire un commerce fort lucratif… Voici quelques-uns des thèmes abordés dans ces neuf nouvelles et courts récits primés – parmi lesquels « Les veilleurs du feu », préquelle au roman Black-Out et au cycle temporel –, qui donnent à voir un aperçu complet des talents de conteuse de Connie Willis.

Les Veilleurs est la traduction française d'un recueil existant en anglais, intitulé Best of Connie Willis. Il regroupe les nouvelles primées de l'auteur et a lui-même reçu le Prix Locus. Excellent point, il est dédié aux bibliothèques publiques. Dans un avant-propos très instructif et sans spoiler, l'auteure nous explique comment elle en est venue à aimer la SF et à en écrire, insistant sur le rôle essentiel des bibliothèques et de leur fonds SFFF dans sa jeunesse.

Certaines nouvelles sont agréables, bien menées, pleines d'émotions ou inquiétantes, et fonctionnent. D'autres, par contre, m'ont fait sentir un défaut que certains reprochent à Connie Willis dans ses romans : c'est bavard ! Autant un roman bavard ça passe, car ça prend son temps, ça met en place une intrigue, ça permet d'approfondir les personnages, autant en format nouvelle c'est péniiiiible, c'est long !! Il y a quelques exemples de ce type dans le recueil, et je me suis surprise à sauter des pages pour arriver à la conclusion plus rapidement.

Chaque nouvelle est accompagnée d'une post-face explicative de l'auteure, sur ses inspirations et ses motivations, et le contexte de l'écriture. Bref tour d'horizon des nouvelles qui déchirent et des nouvelles qui trainent.

Elles déchirent :
  • Une lettre des Cleary : une jeune fille a trouvé une lettre à la poste, d'amis pas revus depuis longtemps. Elle rentre dans la neige la montrer à ses parents. Elle raconte sa vie le long du chemin, son chien mort, son père qui construit une serre, ses parents paranoïaques... Autant de détails et d'éléments qui se mettent en place dans une nouvelle courte et très bien construite, dans un de mes genres favoris. (Prix Nebula de la nouvelle 1982)
  • Morts sur le Nil : cette nouvelle est une réussite, certainement la meilleure du recueil. Elle commence comme un vaudeville (le mari de la narratrice flirte avec la femme d'un autre dans l'avion qui emmène tout le monde en vacances en Égypte) puis devient angoissant à l'idée bizarre de la narratrice : "et si on était tous morts mais qu'on ne le savait pas ?" Un hommage à l'horreur selon Willis (psychologique mais jamais gore !) et à Agatha Christie. J'ai fait l'acquisition de Hantise de Shirley Jackson grâce à la post-face du titre. (Prix Hugo de la nouvelle 1994, Prix Science Fiction Chronicle de la nouvelle 1994)
  • Les Veilleurs du feu : ce texte s'inscrit dans le cycle des historiens voyageurs temporels (cf Black Out, All Clear, Sans parler du chien, Le Grand Livre...) On y rencontre des personnages déjà connus, comme Dunworthy, ou encore Kivrin. Le jeune Bartholomew est envoyé, mal préparé, à la cathédrale Saint Paul en 1940. Il devient veilleur mais n'a pas eu le temps d'étudier la période et essaie donc de survivre dans le Blitz en ayant cette obsession de sauver la cathédrale à tout prix. Toutes les bases du cycle y sont, l'émotion et le plaisir de lecture aussi ! (Prix Hugo de la novelette 1982, Prix Nebula de la novelette 1982, Prix Science Fiction Chronicle 1982)
Elles trainassent :
  • Au Rialto : une nouvelle absurde autour de la physique quantique, très kafkaïenne. On sourit mais elle reste longuette. Connie Willis y montre son amour pour les films et la folie d'Hollywood. (Prix Nebula de la novelette 1989)
  •  Infiltration : un texte sur les charlatans "psychiques" à Hollywood. Deux journalistes dénoncent les arnaques du milieu et font la rencontre d'une "canaliste" qui a un comportement étrange et semble vraiment "canaliser" une personne morte (et célèbre !)  J'y ai découvert H. L. Mencken, un homme qui a passé sa vie à dénoncer ce genre d'arnaque. (Prix Hugo de la novella 2006)
  • Les Vents de Marble Arch : on retrouve dans ce récit une des marottes de Connie Willis : L'Underground londonien (le métro quoi). C'est une belle histoire, autour des relations amoureuses mais aussi adultères. Un homme, prenant le métro, a des sensations inquiétantes, il ressent comme des vents, des explosions, pourtant personne d'autre que lui ne semble s'en apercevoir. C'est un peu long, on y a droit à trop de détails sur les stations, en long et en large mais cela reste une sympathique histoire, un peu inquiétante. Finalement j'ai aimé le thème, mais pas son traitement, alors que l'idée était juste excellente. (Prix Hugo de la novella 2000)
  • Assis par terre : les extraterrestres ont débarqué. Ils sont 6 et n'ont pas dit un mot depuis... neuf mois qu'ils sont là. Assez absurde et drôle, mais tellement bavard !! Quasi insupportable à certains moments !! Dommage. (Prix Hugo de la novella 2008)
  • Le Dernier des Winnebagos : une sombre histoire de camping car interdits, de chiens en voie d'extinction et de fin du monde. Trop barré pour moi et pourtant multiprimé... C'est aussi la dernière nouvelle du recueil et peut-être que j'en avais marre. (Prix Nebula de la novella 1998, Prix Hugo, Asimov's, Science Fiction Chronicle...)
Elles sont sympathiques, sans plus :
  • Même sa majesté : sorte de dystopie féministe dans laquelle deux factions de femmes s'opposent sur une Libération qu'elles ont vécu (ça se passe dans un futur proche). Je n'ai pas tellement été d'accord sur la vision caricaturale de l'auteure, tant des féministes (après tout il y a quasiment autant de féminismes que de femmes) que des règles (oui les menstrues, les anglais, les ragnagnas...) Les deux visions sont extrémistes, et la narratrice est au milieu à dire chacun fait ce qu'il veut, sans jamais être écoutée ni entendue tellement chacune est persuadée d'avoir raison. Je dois dire que c'est un texte plutôt irritant, comme Assis par terre mais je crois que cette fois c'était le but recherché. Je retiendrais dans la post-face la discussion de l'auteure avec des étudiantes dans un ascenseur, durant laquelle elles sont tombées d'accord sur le fait que si les hommes avaient des règles, le gars qui a inventé l'ibuprofène serait Prix Nobel. (Prix Nebula de la nouvelle 1992, Prix Asimov de la nouvelle 1993, Prix Hugo de la nouvelle 1993, Prix Hugo de la nouvelle 1993, Prix Science Fiction Chronicle 1993)
A la fin on retrouve trois discours de Connie Willis dont un inédit (un discours dit de secours) : celui de l'invitée d'honneur de la World Con 2006, de la lauréate du Grand Master Award et celui de secours du même Prix. Le premier est intéressant, mais c'est là qu'on se rend compte de la répétition dans les discours, vu que techniquement quand on raconte sa vie, elle ne change pas des masses dans l'intervalle de deux conventions ou festivals (surtout votre jeunesse quoi). Par contre on prend la mesure de l'immense humour de cette dame, qui connait bien Robert Silverberg ou Neil Gaiman et un paquet d'autres gens, et a été inspirée par Heinlein.

Pour résumer, Les Veilleurs, un best of des nouvelles primées de Connie Willis publié chez Nouveaux Millénaires m'a déçue. Il commence bien avec un avant-propos intéressant et drôle, centré sur le rôle des bibliothèques publiques, puis des nouvelles telles que Une lettre des Cleary ou encore l'excellente et angoissante Morts sur le Nil, mais très vite les récits trainent en longueur au point que j'ai parfois dû sauter des pages, un comble sur des textes courts... J'ai donc aimé trois nouvelles, sur neuf c'est assez faible, même si j'ai aimé certaines idées dans d'autres (mais pas le traitement). Je partais avec un très bon a priori sur ce recueil qui finalement sera à réserver aux inconditionnels de Connie Willis dont je pensais pourtant faire partie ! Je continuerai pour ma part à dévorer ses romans.

Lecture n°8 pour le challenge Recueils and Anthologies Addict
Lecture n°3 pour le challenge Prix Littéraires de l'Imaginaire
Lecture n°1 pour le challenge SFFF & diversité
(catégories : Recueil / Écrit par une femme / Traduit)
Comme promis je ne retiens que la première catégorie : Recueil

Les Veilleurs
de Connie Willis
J'ai Lu Nouveaux Millénaires - Avril 2015
544 pages
Traduction de l'américain révisée par Sébastien Guillot
Papier : 19,90€ / Numérique : 14,99€
Titre original : The Best of Connie Willis - 2013

13 commentaires:

  1. C'est donc un b(est)of... Dommage...
    Je l'emprunterai en bibliothèque, ça devrait faire plaisir à Connie Willis. ;)

    RépondreSupprimer
  2. Oh! C'est un bof!
    Je vais pas l'acheter alors. J'irai en bibliothèque pour l'emprunter. Et je modifie mes priorités de lecture!

    RépondreSupprimer
  3. C'est bien vous avez saisi le concept :p

    RépondreSupprimer
  4. C'est vraiment une question d'affinités, j'ai aimé ses nouvelles pour ma part (enfin celles que j'ai croisé dans son vieux recueil Aux confins de l'étrange et que tu as lu ici). Après c'est parfois assez non-sensique, faut être dans le bon état d'esprit pour les apprécier !

    (mais si ça peut te rassurer quand j'étais dans une période ultra Connie Willis j'avais commencé à lire son recueil Les veilleurs de feu et j'avais laissé tomber au bout de deux nouvelles parce que j'accrochais vraiment pas à ce ton-là à l'époque)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme tu le sais je n'ai rien contre le non-sens, peut-être en effet étais-je dans un mauvais état d'esprit :/
      Cela dit je continue de vénérer le cycle des historiens voyageurs dans le temps ! (Et il me reste Sans parler du chien à lire !!!)

      Supprimer
    2. Quoi tu ne l'as toujours pas lu ? C'est une honte :p
      (soit dit en passant il a des passages bien non-sensiques aussi). Sinon je rejoins Unknown sur certains de ses titres, Ado est très très bien (bref vive les anciens recueils et à bas celui que tu as lu :D)

      Supprimer
    3. Le problème a certainement été la façon de choisir les nouvelles : uniquement les primées. ça a peut être déséquilibré le recueil...

      Supprimer
  5. Je pense surtout que le choix n'est pas le bon pour un best of. Connie Willis a de nombreuses autres nouvelles bien plus drôle, percurtante ou inquiétante d'après moi comme :
    Dans le recueil "Aux confins de l'étrange" :
    Pogrom Spatial : hommage au cinéma américain. Imaginez l'impossible Mr Bébé dans l'espace
    Hasard: les possibilités ratées (?) d'une vie
    Ado : ou bien la censure littéraire et l'éducation nationale
    Rick : le Blitz, la guerre profite parfois a certains mais pas de la manière dont on pourrait le croire

    dans "Les Veilleurs de feu" :
    Marguerite au Soleil

    "Tous assis par terre" et "infiltration" avait été publié à l'origine individuellement en vo.
    Enfin le livre dont je regrette infiniment la non traduction : "Bellwether" traitant sur un ton comique de la naissance et propagation des modes d'après une scientifique travaillant dans une grande entreprise et essuyant les aléas de la recherche. Si vous le lisez, vous ne pourrez vous empêcher dans votre vie quotidienne d'y penser.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le choix a du se faire sur le critère unique de la nouvelle/novella primée. Certaines nouvelles m'ont plu, donc je ne suis pas hermétique au format court de la dame, mais dommage quand même de n'en avoir apprécié qu'un tiers. Je reste fan de ses romans !

      Supprimer
  6. Pas étonnée par ce que tu dis car je fais partie de ceux qui reprochent à la dame son côté bavard, pour l'avoir expérimenté dans le seul roman que j'aie pour l'instant lu d'elle, "Passage".

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai adoré les trois romans que j'ai lu d'elle, dans le cycle des historiens voyageurs dans le temps. Je ne trouve pas forcément désagréable un roman un peu bavard, ça amène du contexte. Mais une nouvelle, ce n'est pas fait pour ça.

      Supprimer
  7. Et pour lire "Sans parler du chien", il faut d'abord lire "3 hommes et un bateau".

    RépondreSupprimer
  8. Je ne suis pas d'accord. J'ai lu Trois hommes dans un bateau quand j'ai vu que l'oeuvre avait largement inspiré Sans parler du chien (et ça se lit vraiment comme ça, "trois hommes dans un bateau... sans parler du chien") et si l'influence est indéniable, si on retrouve les situations comiques bien anglaise et si le livre est plein de rebondissements, il fonctionne en revanche sur les mêmes ressorts (à savoir J.K. Jerome qui finit toujours par dire "c'est comme cette fois où il s'est passé tel truc" et bam, une anecdote marrante) et je ne pense pas qu'il soit vraiment indispensable de le lire, même si y a clairement pire comme lecture.

    Pour ce qui est des Veilleurs du feu, je pensais le lire mais s'il y a des nouvelles que j'ai déjà, ça m'intéresse moins =/ Finalement on a des goûts plutôt différents parce que même si, comme toi, je n'ai pas aimé Au Rialto, ni le Dernier des Winnebagos, j'ai ADORE Même sa majesté.

    RépondreSupprimer

Pages vues