jeudi 16 octobre 2014

♥ Vongozero de Yana Vagner

Vongozero est un roman post-apocalyptique de Yana Vagner, une auteure russo-tchèque, paru aux Éditions Mirobole.

Anna vit avec son mari et son fils dans une belle maison près de Moscou. Un virus inconnu a commencé à décimer la population. Dans la capitale en quarantaine, la plupart des habitants sont morts et les survivants – porteurs de la maladie ou pillards – risquent de déferler à tout instant. Anna et les siens décident de s’enfuir vers le nord, pour atteindre un refuge de chasse sur un lac à la frontière finlandaise : Vongozero. Bientôt vont s’agréger à leur petit groupe des voisins, un couple d’amis, l’ex-femme de Sergueï, un médecin… Le voyage sera long, le froid glacial, chaque village traversé source d’angoisse, l’approvisionnement en carburant une préoccupation constante.

Vongozero est un roman coup de coeur et coup de poing.

La réussite de ce récit vient à mon avis de ses diverses facettes, tant son côté post-apo et survie d'heure en heure après qu'un virus ait décimé des millions de russes, que son côté psychologique que l'on doit à une narration à la première personne par une femme attachante et intelligente qui va accumuler les ennuis.

Vongozero est un post-apo que je qualifierais de réaliste. Il met en scène une famille recomposée face à une épidémie qui, on l'apprend dans les premières lignes, a entrainé la mise en quarantaine des plus grandes villes de Russie. Anna vit avec son fils et son mari Sergueï près de Moscou, et son récit commence ainsi :

"Maman est morte mardi 17 novembre. Je l'ai appris par une voisine."

Et là tout démarre : il va falloir partir, quitter cette vie confortable pour se réfugier au nord de la Russie, pour éviter la vague de malades qui va sortir de Moscou, pour éviter également les exactions des militaires livrés à eux-mêmes, ainsi que de tous les autres citoyens cherchant à survivre.

Seulement Anna et sa famille ne vont pas partir seuls : le père de son mari, qui semble un spécialiste de la survie, va les accompagner. A cela s'ajoutent leurs voisins, qu'ils n'apprécient guère, et surtout l'ex-femme de Sergueï (qu'il a quitté pour Anna quelques années auparavant) avec leurs fils de 5 ans. Je vous laisse deviner l'ambiance et le self-control qu'il faudra à chaque personne pour supporter le voyage.

C'est le début d'un road-trip sous tension pour plein de raisons (la peur de la maladie, des militaires, du manque de nourriture, d'essence, le froid, la promiscuité et la perte du confort habituel, le regard de l'autre, les gens qu'on tolère dans la vie tant qu'on n'a pas à vivre avec eux ou à les voir tous les jours, tous ces petits détails pourtant insignifiants qui deviennent insupportables...)

La grande qualité de ce post-apo est de souligner tant le côté survie de cet exode que le côté humain et psychologique qui accompagne immanquablement ce genre d'épopée. La tension induite par le fait de ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain ou l'heure suivante, d'avoir à voyager avec l'ex-femme de son mari et leur enfant, avec des gens qu'on n'apprécie pas, crée une atmosphère oppressante. Ce roman est prenant et ne laisse pas une seconde de répit. Si j'avais pu, je l'aurais lu d'une traite.

L'autre facette marquante du récit est qu'il dénonce, sans avoir l'air d'y toucher, juste en déroulant son histoire, une société patriarcale. Dès le début du voyage, les hommes prennent la main sur les femmes, que ce soit pour des détails (ils conduisent les voitures, ont les fusils / les femmes font la cuisine, jouent les infirmières, gèrent les enfants) ou pour les décisions importantes (les hommes choisissent la destination, le trajet, sans consulter les femmes). J'ai trouvé tout ça très dur, surtout que l'on se place dans l'esprit d'une jeune femme plutôt libre, capable de se servir d'un fusil et de raisonner par elle-même. A certains moments, les femmes se rebellent, mais généralement elles laissent faire, soit par habitude, soit pour ne pas envenimer la situation. La narratrice fait partie de celles qui acceptent le moins cette situation. C'est un peu comme si en cas de danger, les hommes et les femmes suivaient automatiquement les vieux schémas qu'on aurait pu croire enterrés depuis longtemps. C'est vraiment une grande force de ce roman pour moi.

J'aimerais terminer en soulignant la qualité, tant du contenu que du contenant, des ouvrages des Éditions Mirobole. Il est agréable de lire une auteure russe, qui plus est sous une belle couverture, et pour un post-apo des plus intelligents, dont seule la fin a pu m'inspirer un petit bémol qui n'enlève rien à l'ensemble.

Pour résumer, Vongozero de Yana Vagner, publié chez les Éditions Mirobole, est un roman post-apocalyptique réaliste, prenant et sous tension permanente. Il prend la forme d'un road-trip dans l'hiver russe. L'auteure y dénonce une société patriarcale et pousse à s'interroger sur le confort de nos vies mais aussi sur nos droits, qui pourraient disparaitre plus facilement qu'on ne le pense (Pas étonnant que ce livre soit russe). Plein d'excellents ingrédients anxiogènes, c'est sans aucun doute un des meilleurs post-apo de l'année.

L'avis de Cornwall
Lisez les premières pages 
Une interview de l'auteure (où elle parle de la suite, que Mirobole prévoit pour 2016 !)

Lecture n°15 dans le cadre
du challenge SFFF au féminin
à retrouver sous le tag "auteurEs"

Vongozero 
de Yana Vagner
Editions Mirobole / Horizons pourpres - Septembre 2014
480 pages
Traduit du russe par Raphaëlle Pache
Disponible en papier et numérique
22€ / 9,99€
Titre original : вонгозеро - 2011

3 commentaires:

  1. J'ai un pote qui repart à Moscou en novembre, mais il n'à pas tenu à lire ce livre avant de partir... Au moins qu'il prenne une Chapka !! La Russie est une destination qui m'intéresse d'ailleurs, rien que pour avoir mon propre regard sur cette société autre que celle véhiculé par nos médias

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  2. Si je ne l'avais pas déjà lu, je me jetterais dessus à la lecture de ton billet. Je te rejoins sur le côté réaliste : c'est sans doute pour ça que c'est si long...

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    1. C'est une question de perception, cela t'a paru long, moi j'ai eu l'impression de suivre en temps réel un exode post-apo et j'ai été en tension tout du long, du coup ça a été une belle réussite pour moi !

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