jeudi 10 juillet 2014

Soleil Vert de Harry Harrison

Soleil Vert est un classique de la SF dystopique. Écrit par Harry Harrison en 1966, paru pour la première fois en France en 1974 après le succès de son adaptation cinématographique l'année précédente, il est aujourd'hui réédité dans la collection Nouveaux Millénaires de J'ai Lu, et bénéficie d'une nouvelle traduction.

J'avais déjà donné sa chance à ce roman il y a quelques années. Je n'avais pas réussi à dépasser la cinquantaine de pages, et ne me restait que le souvenir d'une atmosphère lourde et étouffante. A l'occasion de cette nouvelle traduction, et l'expérience m'ayant appris qu'on peut finalement apprécier un livre des années après l'avoir abandonné, je retente le coup.

Tandis que l'humanité s'apprête à entrer dans le troisième millénaire, la surpopulation est devenue telle que les ressources naturelles ne suffisent plus à couvrir ses besoins. La nourriture et l'eau sont rationnées, il n'y a plus de pétrole, plus guère d'animaux. Trente-cinq millions de New-Yorkais, pour la plupart sans emploi ni logement, se battent pour survivre. Andy Rush a un travail, lui. Tous les jours, avec les autres policiers de sa brigade, il part disperser les émeutes de la faim qui se produisent lors de chaque nouvelle distribution de nourriture de synthèse. Alors, qu'importe si un nabab aux activités louches s'est fait descendre ? S'il parvenait à attraper le meurtrier, Andy le remercierait presque pour services rendus ?

Première chose :  l'intrigue du film, si elle semble suivre celle du roman au départ, finit par partir en live. Autrement dit, ils mangent réellement des biscuits d'algues et des steaks de soja/lentilles, appelés Soylent. Non ceci n'est pas un spoil, c'est un fait, le scénariste du film s'est fait plaisir !  

Soleil Vert est une dystopie, et est devenu une uchronie par la force des choses, puisque l'action se passe à la veille de l'an 2000. Harry Harrison imagine un monde surpeuplé, extrapolant sur la croissance exponentielle de la population. Les ressources viennent donc à manquer, tout comme les terres cultivables. Le gouvernement tente de subvenir aux besoins en eau et nourriture de chacun en pratiquant un rationnement sévère. Autre effet de la surpopulation, les logements sont minuscules et souvent partagés, des émeutes éclatent quotidiennement.

C'est également une enquête policière classique : un homme est assassiné, le personnage principal doit résoudre l'affaire, pressé par sa hiérarchie, elle-même obéissant à des pressions politiques.

Le roman m'est apparu beaucoup plus dynamique que dans mes souvenirs. Je pense que la nouvelle traduction est passée par là et lui donne un sacré coup de jeune. Très bon point pour Nouveaux Millénaires. En parlant de traduction, le titre Soleil Vert ne correspond pas au titre original, à savoir Make room ! Make room ! ("Faites de la place !"), mais à une traduction hasardeuse du nom de l'aliment principal du livre "Soylent" en "soleil".

L'auteur joue sur la peur de manquer et celle du changement de siècle. Le livre est composé de deux parties inégales. La première, représentant 80% du roman, déroule l'intrigue dans laquelle Andy Rusch, policier, enquête sur la mort d'un riche homme d'affaires. La seconde offre à la fois une conclusion à l'enquête, mais surtout l'explication du colocataire du héros, Sol, quant à la situation désespérée de l'humanité.

"Cette ville est foutue. Ce dont ils ont besoin ici, c'est de dresseurs d'animaux, pas de policiers."

Il est temps de parler de la place de la femme dans Soleil Vert. Il n'y a qu'un personnage féminin central, Shirl. D'abord entretenue par la victime du meurtre, elle semble ne faire que vivre au crochet d'hommes riches depuis son adolescence. Elle est intelligente et vive, mais c'est aussi un objet soumis au désir des hommes qu'elle fréquente, ce qui va changer à sa rencontre avec Andy. Les autres femmes croisées dans le livre sont soit des mères de famille nombreuse sans goût à la vie et sans véritable amour pour leurs enfants, soit des harpies.

Pourtant, c'est en quelque sorte la femme et ses droits que défend l'auteur dans ce roman : il ne prône pas une protection de l'environnement malgré toutes les ressources insuffisantes évoquées, mais le droit à la contraception. Dans un grand dialogue entre Sol et Shirl, celui-ci lui explique comment la contraception aurait pu changer la face du monde. Je rappelle que ce roman date de 1966. La pilule a été autorisée aux États-Unis en 1960, cependant l’Église Catholique y était vivement opposée. On peut donc penser que l'auteur avait identifié un problème et essayait d'en avertir ses contemporains.

Finalement, Soleil Vert est un classique, mais pas un chef d’œuvre. Le rythme n'est pas soutenu. Le héros n'en est pas vraiment un et donne parfois envie de le secouer. L'image de la femme n'est pas géniale, même remise dans le contexte des années 60, et celle des noirs non plus. L'écriture reste quelconque.

Pour résumer, Soleil Vert de Harry Harrison chez Nouveaux Millénaires est une dystopie devenue classique grâce au film éponyme, et ce malgré la différence importante entre les deux intrigues et les messages véhiculés. Ce n'est pas un roman palpitant mais la vision pessimiste d'une Amérique surpeuplée et agonisante est intéressante, et pourrait un jour se réaliser, mais à moins court terme que dans l'idée de l'auteur. La nouvelle traduction l'a rendu bien plus dynamique que dans mes souvenirs.

L'avis de Julien sur cette nouvelle traduction.

Lecture n°1 dans le cadre
du challenge Morwenna's list
A retrouver sous le tag "classique"

6 commentaires:

  1. J'ai demandé à ce qu'il soit commandé par ma bibliothèque. Plus qu'à attendre et j'en profiterai pour voir son adaptation ciné ;)

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    1. Ah les suggestions en bib que du bonheur ! Bonne lecture alors !

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  2. Je suis curieux de comparer ce roman au film du même nom...

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  3. Pour avoir lu avec les deux traductions, la nouvelle est plus dynamique et moderne :) Ouf, j'espère qu'elle a joué un petit rôle dans le fait que tu aies retenté le coup. J'ai trouvé que l'enquête policière était un prétexte pour présenter les personnages. Ce que je trouve très bien, car l'auteur les a bien mis en relief.

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  4. J avais vu le film il y a plusieurs années. D ordinaire je préfère les livres aux adaptations cinématographiques mais ce livre là m a deçue j ai bien l impression d avoir perdu mon temps. 1 : l intrigue principale n a pas de dénouement ni d intérêt finalement : on ne comprend pas pourquoi le personnage principal subit autant de pression pour résoudre cette enquête qui se révèlera quelconque. 2 : l histoire d amour qui tapisse ce roman n est pas plus intéressante que l enquête, on croit à un moment que c est une vraie histoire de sentiments sincères réciproques, en effet on découvre un homme sincère et généreux, rationnel, et qui se donne du mal pour offrir le meilleur à sa compagne, qui en fait n est qu une capricieuse refusant de comprendre que son ami ne fait que ce qu il peut. Et par dessus le marché elle couche avec des hommes uniquement pour être logée usant de sa beauté physique. 3 l auteur fait passer un message qui pour ma part est totalement mensonger : ce n est pas la surpopulation qui pose problème mais la manière de consommer d une partie des habitants de cette planète. Et je ne suis pas catholique et pour info je porte un sterilet. Il y a assez de place et de ressources pour tout le monde sur cette terre : il suffirait simplement que le partage de l espace et des matières soient plus équitablement partagées, je dirai même qu elles ne soient pas volées à certains pour les donner à d autres.. déjà l Amérique.. à la base a été colonisée de façon barbare pour ce citer que cet état... et la neocolonisation n en parlons pas... les beaux diamants des riches occidentaux en provenance de l Afrique, le cacao à la sueur et au sang d enfants africains, les vêtements qui font déborder nos placards cousus par de la main d oeuvre pakistanaise exploitée à souhaits..... et ce ne sont que des exemples parmi tant d autres..

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    1. Et bien, effectivement l'intrigue est carrément quelconque. Celle du film semble meilleure et plus SF.

      L'histoire d'amour... Shirl joue le rôle qu'on lui donne. Les femmes ont une image pas terrible dans ce roman qui je le rappelle date de 1966. L'auteur, un homme, a créé un personnage, une femme, qui est un objet depuis son adolescence, et a évolué comme telle... J'en espère rarement plus des auteurs masculins de l'époque, malheureusement. La SF d'il y a 50 ans était très machiste.

      Ce que tu dis est vrai pour le partage de l'espace et des ressources. Après, le roman est à remettre en contexte, milieu des années 60, bien loin de se poser des questions sur le mode de consommation, déjà qu'aujourd'hui, 60 ans plus tard, c'est compliqué ! Et ne parlons même pas de la colonisation de l'Amérique que les américains doivent être très peu nombreux à remettre en question même aujourd'hui.

      J'aime beaucoup son message sur la contraception, dans le contexte c'était un message fort, contre l'Eglise et sa vision étriquée et son besoin de contrôler le corps des femmes.

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