samedi 11 août 2012

♥ Chroniques martiennes de Ray Bradbury

Le pitch :
1er janvier 2030 : une fusée s’envole pour Mars, ouvrant ainsi l’ère de la colonisation de la planète rouge. Au fil des vingt-huit textes qui composent ce récit, l’auteur nous invite à suivre sur un ton dramatique, acerbe, ou humoristique, l’arrivée houleuse des vagues de colons, les conséquences funestes de leur installation et la disparition des martiens.

Mon avis :
Au moment où Curiosity s'est posé sur Mars, j'étais plongée comme il se doit dans les magnifiques Chroniques martiennes de Ray Bradbury, l'une des deux lectures du mois d'août du Cercle d'Atuan, édité chez Folio SF. Ecrites entre 1947 et 1949, elles ont été revues et corrigées par l'auteur plusieurs fois au cours du siècle dernier (ça me fait mal de dire ça !). Ray Bradbury s'est éteint tout récemment.


Ces nouvelles nous racontent la colonisation de Mars, dans un ordre chronologique. Tous les récits sont liés, c'est loin d'être un simple recueil, c'est une histoire à part entière.

Plusieurs expéditions sont nécessaires à un premier contact, les premières connaissant toutes une fin tragique, notamment l'une d'entre elles visitant un asile de fous... En effet, les martiens ne sont pas des gens faciles.
- T'es-tu jamais demandé si... eh bien, s'il y avait des êtres vivants sur la troisième planète ?
- Aucune vie n'est possible sur la troisième planète, déclara le mari d'un ton patient.
D'après nos hommes de science, l'atmosphère y est beaucoup trop riche en oxygène.

Bradbury nous offre un récit empreint des préoccupations de son temps : les raisons d'émigrer sur Mars sont la peur de la menace nucléaire, la recherche d'un emploi, et l'envie d'un retour aux grands espaces de l'Ouest Américain, bref la recherche du bonheur et de la liberté.

Un seul homme peut-il avoir raison quand tous les autres estiment que ce sont eux qui ont raison ?

Le ton employé m'a surprise : autant vous dire que je ne m'attendais pas du tout à ce cynisme de l'auteur sur ses semblables. Il ne se fait aucune illusion, et dénonce les travers de l'homme. L'une des nouvelles s'intitule même Les Sauterelles, on ne peut être plus clair ! On a bien vite l'impression que Mars est surtout un décor, un prétexte. Ce sont les humains qui y sont mis en scène... Cependant, les martiens sont bien présents et continuent de mettre leur grain de sel fantastique dans la vie des colons.

Et des fusées s'élançaient des hommes armés de marteaux pour reforger ce monde étrange,
lui donner un aspect familier, en écraser toute l'étrangeté.

Bradbury a dit "Je n'ai écrit qu'un seul livre de science-fiction, et c'est Fahrenheit 451. Tous les autres sont des livres fantastiques". En le lisant, je me disais, avec un titre comme Chroniques martiennes, il dit n'importe quoi ! Et bien le monsieur savait parfaitement bien ce qu'il disait, nous avons en effet affaire à des nouvelles fantastiques dans un décor martien. L'angoisse est partie prenante des récits.

Quelque chose d'affreux va arriver demain matin.

La poésie est aussi omniprésente. Les descriptions des paysages sont superbes, tant les déserts que les villes extraordinaires en cristal des martiens.

Les oiseaux de feu attendaient sur le doux sable frais, rutilants comme un lit de charbons ardents.
La nacelle blanche flottait dans le vent nocturne,
claquant doucement au bout des mille rubans verts qui la reliaient aux oiseaux.

Certes, ces Chroniques sont un peu datées, mais je dois dire que cela ajoute grandement à leur charme. La place de la femme est celle de la compagne qu'on envoie pour se marier sur Mars, comme à l'époque de la conquête de l'Ouest. De même les droits des noirs sont quasi inexistants alors que l'histoire se déroule dans les années 2000. Cela dit, la démarche de l'auteur allait apparemment dans le bon sens, il dénonçait ces inégalités. D'un point de vue plus matériel, les fusées, ou encore le prix d'envoi d'une lettre de cinq dollars de Mars à la Terre (hors de prix !), nous rappellent aussi que ce livre a été écrit dans les années 40.

- Les nègres, les nègres !
- Eh bien, quoi, les nègres ?
- Ils s'en vont, ils fichent le camp, ils mettent les voiles ; vous êtes pas au courant ?
- Qu'est-ce que tu chantes, ils fichent le camp ? Comment ça se pourrait ?
- ça se peut, c'est décidé, c'est en cours.
- Deux ou trois ?
- Tous ceux qui sont là, dans le Sud !
- Il faut que je voie ça. J'arrive pas à y croire. Et où ils vont ? En Afrique ?
Silence.
- Sur Mars.

La nouvelle Maison Usher II, qui est un hommage à Poe, se trouve aussi être un début d'inspiration pour le roman Fahrenheit 451 : suite à une loi, tous les ouvrages de fiction ont été brûlés et interdits.

Comment ai-je pu penser que vous connaissiez ce cher Mr Poe ? Il y a une éternité qu'il est mort - Avant Lincoln. Tous ses livres ont été brûlés dans le Grand Incendie. Il y a trente ans de cela, en 2006.

"Il était une fois" est devenu "Plus jamais"

En tout cas ce fut pour moi une belle découverte que cette lecture certes un peu datée, ce qui fait son charme, mais surtout orientée fantastique, assez effrayante et dépaysante, et qui m'a fait réfléchir. Bradbury était vraiment un poète et un auteur talentueux !


L'avis de Fantasio, Lorhkan, Naufragés volontaires.
L'avis d'Olya
Celui de Vert 


Lecture n°8 
dans le cadre du challenge
Summer Star Wars Episode VI


















CITRIQ

8 commentaires:

  1. Un très grand souvenir, poétique, onirique, mais aussi sarcastique voire cynique sur le genre humain, c'est une lecture indispensable, et pas seulement aux amateurs de SF !

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  2. Un immensse chef d'oeuvre. Non, je ne trouve pas qu'il soit "daté". Il est intemporel dans sa dénonciation (racisme, cupidité...) et surtout dans sa poésie dont tu affirmes avec juste raison qu'elle est omniprésente.
    C'est un livre immense !
    http://lefantasio.fr/index.php?2007/09/12/480-bradbury-ray-chroniques-martiennes-club-des-amis-du-livre
    :)

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  3. Je suis d'accord avec toi : les thèmes sont intemporels, toujours est-il que l'image de la femme ou des noirs correspond à son temps (à savoir années 40/60) quand même. Je vais aller lire ta chronique !

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  4. Comme j'ai souvent un (ou plusieurs) train(s) de retard ... j'ai bien envie de découvrir cette année Ray Bradbury et comme ta critique confirme que ça pourrait me plaire, je pense que j'achèterai sous peu l'intégrale parue aux éditions Lunes d'Encre. Comme ça, quand y en aura plus ben y en aura quand même encore ^^
    Merci pour ta critique !

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  5. C'est un classique qui mérite son statut de classique. J'en garde un souvenir assez poétique d'ailleurs, sur un thème qui n'a pas vraiment perdu de son actualité.

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  6. Je suis un peu déçue, car si ma lecture se passait bien au début, dès qu'on arrive aux passages qui sont vraiment datés, ça m'a tout coupé (fin, je commençais déjà de me lasser avant, mais du coup, ça m'a achevé ^^).

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  7. Très belle chronique, tu as merveilleusement réussi à résumer l'intérêt de ce petit chef d'oeuvre (alors que j'ai pataugé pour écrire la mienne, mais quelle idée aussi d'attendre un mois pour m'y mettre xD).
    A lire les passages que tu cites, j'en aurais presque envie de le relire encore :D

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